mercredi 22 février 2017

"Broyer du noir" et "avoir le cafard"

Le français est une langue riche d'expressions idiomatiques. Si vous êtes un fervent lecteur de romans en français, vous aurez probablément déjà lu les deux locutions dont on va parler à l'instant, notamment « broyer du noir » et « avoir le cafard », mais connaissez-vous leur définition et leur origine ?



Broyer du noir▼


Aujourd'hui, cette expression signifie être triste, abattu, mélancolique, avoir des idées tristes.
Broyer est un verbe qui veut dire briser, réduire en poudre, et c'est ce que faisaient les peintres avec les pigments pour créer leurs couleurs et, par rapport à cela, ce que fait l'estomac avec les aliments pendant la digestion. Si l'on ajoute que, selon la théorie des humeurs de la médecine antique, on croyait que la soi-disant bile noire (liquide produit par les glandes surrénales) était la cause de la mélancholie, on peut comprendre pourquoi on est arrivé à dire broyer du noir au sens de déprimer.

Sa première apparition date probablement de 1767, quand Diderot écrit :
J'ai prêché inutilement M. Le Romain, qu'on aurait grand plaisir à avoir mais que sa mélancolie retient dans l'obscurité de sa cahute, où il aime mieux broyer du noir dont il puisse barbouiller (=souiller) toute la nature que d'aller jouir de ses charmes à la campagne.
Depuis, elle a été utilisée de plus en plus par les écrivains et est entrée dans la langue de tous les jours.

Exemples :

Il faut que je cesse de broyer du noir, songea-t-elle. Jean-Pierre est parti, il ne va pas revenir et il est inutile d'être triste. Il faut que je pense de façon positive, que je m'intéresse à la vie des autres.
(Les Lions du Panshir) 

Quelle qu'en fût laraison, je savais que, si je rentrais à la maison, je passerais le reste de la journée à broyer du noir
(Le secret du tombeau)

Épuisé psychiquement et physiquement, je ne pouvais que broyer du noir. Ainsi, prisonnier de mon marasme, fréquemment visité par la tentation du suicide, je n'avais qu'une chose à exprimer : mon dégoût de moi-même, du monde, de la vie.
(Écritures du ressassement) 

J'ai vu mon frère aujourd'hui. Il était au cinéma, trois rangs devant moi, le bras autour d'une jolie blonde dont les cheveux raides tombaient dans son dos comme un rideau de soie. Ce n'était pas juste, me suis-je dit, maussade. Pas juste que je sois mort alors que lui continuait à vivre. J'ai encore mangé du pop-corn, bu un litre de Coca et broyé du noir pendant la fin du film. 
(Derniers adieux)



Avoir le cafard ▼

Comme la précédente, l'expression « avoir le cafard » est utilisée pour exprimer un état de tristesse et de mélancholie. À l'origine, le cafard, appelé aussi blatte, est un insecte noir, souvent associé à la saleté, qu'on rencontre le plus souvent la nuit, quand il y a peu de lumière. Il est aussi synonyme d'hypocrite, une personne qui agit de façon sournoise.

C'est Baudelaire dans Les fleurs du mal qui semble être le premier à avoir associé le terme cafard à la tristesse et au sens de déprime, précisément, en parlant du Démon, avec les mots :
Parfois il prend, sachant mon grand amour de l'Art
La forme de la plus séduisante des femmes,
Et, sous de spécieux prétextes de cafard,
Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes.
L'expression est devenue la locution verbale « avoir le cafard » et fait désormais partie du langage quotidien.

Exemples :

Je trouve que des fois on est un peu lassé. Des jours où on a le cafard, où on a des ennuis en famille et tout. [...] L'autre jour, j'avais le cafard, je me suis énervé contre le professeur et j'ai eu des ennuis.
(Les 13-16 ans)

Son attitude m'inquiétait et j'en informai son compère et ami, l'autre Havrais (de Le Havre), qui m'a répondu: « Laisse-le tranquille, il a le cafard ! »
(Témoignage authentique d'un évadé de France par l'Espagne en 1943, Je n'irai plus en Espagne)

Dans près de 75 % des cas, les personnes en deuil pleurent, dorment mal, ont le cafard, et 50% perdent l'appétit dans les mois qui suivent la disparition.
(Tristesse ou dépression ? Comment la psychiatrie a médicalisé nos  tristesses)

Conseils de lecture :


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Continuez à étudier le français entre quat'z'yeux !

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